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Quelques Poèmes de la Résistance

"La Rose et le Réséda"

À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru.

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Tous deux adoraient la belle prisonnière des soldats

Lequel montait à l’échelle et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leur pas

Que l’un fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Tous les deux étaient fidèles des lèvres du cœur des bras

Et tous les deux disaient qu’elle vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Du haut de la citadelle la sentinelle tira

Par deux fois et l’un chancelle l’autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Ils sont en prison

Lequel a le plus triste grabat

Lequel plus que l’autre gèle lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Un rebelle est un rebelle deux sanglots font un seul glas

Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Répétant le nom de celle qu’aucun des deux ne trompa

Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il aima

Pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas

L’un court et l’autre a des ailes de Bretagne ou du Jura

Et framboise ou mirabelle le grillon rechantera

Dites flûte ou violoncelle le double amour qui brûla

L’alouette et l’hirondelle la rose et le réséda.

Louis Aragon, mars 1943

"Gabriel Péri"

Un homme est mort qui n’avait pour défense

Que ses bras ouverts à la vie Un homme est mort qui n’avait d’autre route Que celle où l’on hait les fusils Un homme est mort qui continue la lutte Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait Nous le voulions aussi Nous le voulons aujourd’hui Que le bonheur soit la lumière Au fond des yeux au fond du cœur Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre Et ce sont des mots innocents Le mot chaleur le mot confiance Amour justice et le mot liberté Le mot enfant et le mot gentillesse Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits Le mot courage et le mot découvrir Et le mot frère et le mot camarade Et certains noms de pays de villages Et certains noms de femmes et d’amies Ajoutons-y Péri Péri est mort pour ce qui nous fait vivre Tutoyons-le sa poitrine est trouée Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux Tutoyons-nous son espoir est vivant.

Paul Éluard,1945

Au rendez-vous allemand, Paris, Éditions de Minuit.

Gabriel Péri à qui est consacré le poème d'Eluard et à qui est dédié le poème d'Aragon est un journaliste et homme politique communiste français. Arrêté comme résistant par la police française il est fusillé comme otage par les Allemands à la forteresse du Mont-Valérien, le 15 décembre 1941.

D'Estienne d'Orves et Gilbert Dru étaient des résistants chrétiens comme "celui qui croyait au ciel" et Guy Môquet ainsi que Gabriel Péri étaient des résistants communistes comme "celui qui n’y croyait pas".


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