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L'art dégénéré et l'art officiel

 L'art dégénéré

 

 

A cette époque les nazis usent de différents moyens pour dénoncer, réprimer ce qu'ils appellent «l'art dégénéré» (en allemand : entartete Kust).

A leur initiative une exposition a lieu en 1937 afin de dénigrer cet art . Effectivement pour eux tout doit répondre à certains critères. Persuadés de la supériorité de la race aryenne, ils cherchent à la rétablir dans toute sa pureté, entre autre dans son art , en supprimant les tableaux ne correspondant pas à cette pureté. L'art dégénéré constitue l'ensemble de ces tableaux .

Cet art n'a pas pour caractéristiques les règles de la beauté «classique» comme les tableaux de William Turner, Nicolas Poussin , Georges de La Tour et bien d'autres qui jalonnent les siècles et qui représentent tous une réalité qui répond à certaines règles comme la proportion , les différents plans, ou la perspective : c'est l'art officiel .

Mais dès la fin du XIXe siècle apparait un art appelé «art moderne» . L'art devient un moyen de communication entre l'auteur et le spectateur. Dans son tableau l'artiste fait ressentir le sentiment qu'il veut : cela conduira au différents courants artistiques comme le cubisme, le surréalisme, l’impressionnisme, le symbolisme et le dadaïsme .

Les tableaux de Picasso sont assez représentatifs de ces deux premiers courants. Bien souvent les artistes de cette époque, marqués par le traumatisme de la guerre, l'expriment dans leurs toiles et souhaitent immortaliser les caractéristiques de leur époque.

C'est le cas d' Otto Dix, peintre allemand. Lorsqu'il peint la journaliste Sylvia von Harden en 1926 il a pour but de représenter ce qui correspond aux années folles en France :

 

 

 

portrait de la journaliste Sylvia von Harden-1926

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La femme des années 20, qu'Otto Dix représente dans son portrait

de la journaliste Sylvia, voit son émancipation . En effet, la 1ère

Guerre Mondiale monopolisant tous les hommes, les femmes doivent

 prendre leur place au travail. Mais après la guerre, ayant connu

des responsabilités, les femmes souhaitent garder leurs postes. Cela aura

une influence très importante sur la mode de l'époque. Désormais, la femme

tente de ressembler à l'homme : elle porte les cheveux courts, (c'est la

«coupe à la garçonne») cache ses formes afin d'être aussi plate que

possible et fume pour être moderne et marquer son émancipation.

Ce portrait représente exactement le modèle (contrairement à celui d'Otto

Dix) mais le style est le même, leurs formes ne sont pas marquées et elles

portent la coupe «à la garçonne». Ces années sont donc un tournant

important pour la femme, et ce bouleversement devient source d'inspiration

pour les artistes comme Otto Dix.

 

 

 

 

 

Certains artistes résistent aux pressions nazis, et dénoncent même leur montée au pouvoir. Ainsi Helmut Herzfeld dit John Heartfield fut l'un des premiers à utiliser la technique du photomontage et à s'en servir afin de montrer les dangers du nazisme . En effet, à partir de 1930 le journal Arbeiter Illustrierte Zeitung publiera en couverture 237 des ses photomontages.

 

 

 

 

                                               Ce photomontage, appelé "comme au Moyen-Âge...ainsi sous le IIIe Reich" est une                                                de ses oeuvres. L'inscription "wie im Mittelalter...so im dritten Reich" est la traduc-

                                               tion en allemand du titre. En effet, l'artiste fait un parallélisme entre le supplice de                                                la roue en vigueur sous l'ancien régime, et la croix gammée représentant le                                                nazisme; l'homme semble n'avoir d'autre issue que la mort et subit ses  supérieurs                                                qui le condamnent. La comparaison est évidente à cause des formes                                                géométriques qui se retrouvent et la position de l'homme martyrisé. Le sens n'est                                                 donc pas équivoque et c'est bien une condamnation du nazisme que l'auteur fait.

 

 

 

                                             

 

 

 

Ainsi l'exposition de 1937 compte 730 œuvres d'une centaine d'artistes, choisies parmi vingt mille œuvres saisies dans les musées allemands. Elle a pour but de montrer aux gens la perversité des artistes et leur manipulation destinée à les escroquer . En effet, c'est l'opposition entre deux esthétiques -celle des nazis et celles des artistes modernes- qui mène à cette exposition.

Par cette manifestation à Munich, le visiteur semble avoir la liberté de confronter par son expérience visuelle les deux conceptions artistiques. Sont mises au pilori les oeuvres des groupes d'artistes die brücke, der Blaue Reiter ou du mouvement dada.  Ainsi des artistes tels que Ensor, Guauguin, Van Gogh mais aussi Braque,Chagall, Matisse,Modigliani, Picasso sont présentés à cette exposition, sans oublier Kokoschka, ou encore les Allemands Corinth, Dix, Grosz, Marc et klee. Afin que les visiteurs comparents, des artistes sont mis en opposition tel que les peintres  Adolf Wissel, Wolfgang Willrich qui représenteront la famille idéale, Gerhard Keil , sa toile "les gymnastes" est typique de l'art officiel, et des sculpteurs comme Arno Brecker qui représentent le corps. Cette exposition connaît d'ailleurs un grand succès avec plus de deux millions de visiteurs. A travers celle-ci les nazis exercent donc une influence sans se montrer violents.

 

 

 

 

L'art héroïque

 

Puisque l'art moderne ne convient pas aux nazis, ceux-ci le remplace par un art officiel ou «l'art héroïque». Cet art s'inspire des formes de l'Antiquité, de l'art grec et romain en opposition aux influences juives. Effectivement, selon une théorie nazie, un Germain blond aux yeux bleus, typiquement aryen, aurait migré en Grèce et aurait influencé leur civilisation ainsi que la civilisation latine suite aux diverses migrations, avant de revenir dans son pays d'origine. Les Allemands ont donc toute légitimité pour reprendre les critères esthétiques Gréco-romains. L'art antique n'est que le reflet du génie germain. Grâce à ce détournement de l'histoire, l'Allemagne nazie peut se dire créatrice de la civilisation européenne, et ainsi s'approprier tous les beaux-Arts gréco-romains. Les nazis justifient donc également leur volonté de dominer le monde puisque les Aryens, dont ils descendent, ont déjà par le passé imposé leur culture.

 

 

 

LA PEINTURE
 

Ce tableau typique de l'art héroïque, appelé «le führer parle», peint par Paul Padua en 1939, représente une famille d'origine modeste écoutant religieusement le discours du Führer. Celui-ci est en portrait juste au-dessus, remplaçant les images pieuses. Le ministre de la culture chargé de véhiculer les idées nazies par l'intermédiaire des arts était Joseph Goebbels. Ce ministère fut crée par Hitler lors de son arrivée au pouvoir en 1933. De cette façon l'art devient

un moyen de propagande pour l'idéal nazi aussi bien en dénonçant les artistes

modernes qu'en propageant leurs idées à travers les peintures mais aussi à

travers la sculpture, la musique, la littérature, le théâtre, la radio et la presse,

le cinéma.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA SCULPTURE

 

 

L'idéal nazi passe en effet à travers la sculpture, notamment avec l'artiste Arno Brecker. Au milieu

de l'année 1930 son talent est apprécié par les idéologues du Parti national socialiste mais il est plus

particulièrement remarqué en 1937, alors qu'il est professeur à l’École Supérieur des beaux arts de Berlin, par le ministère de la Propagande du Reich qui lui passe plusieurs commandes. Le fait qu'il ait créé à la demande du gouvernement ne signifie pas qu'il adhérait à leur idéologie, mais il pensait que les artistes n'avaient rien à voir avec la politique. Brecker est à ce moment le sculpteur favori d'Hitler; en effet le principal but des sculptures sous le IIIe Reich est de représenter la race aryenne, c'est-à-dire l'homme parfait : celui-ci est fort, déterminé, fier et surtout beau, et c'est ainsi que Brecker créé ses sculptures, elles n'ont aucunes imperfections :

 

 

 

                                                                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les sculpteurs ne représentaient pas seulement «l'homme idéal» mais aussi «la femme idéale», telle que "Flora" par Breker, "Jeune fille" par Fehrle, ou "le Regard" par Klimsch, celles-ci ont une parfaite morphologie.

 

 

Cette sculpture est «Flora» de Brecker, elle possède les caractéristiques,

qui déterminent si une femme est belle : une taille marquée,

une poitrine pleine et mesurée, des chevilles fines.

L'apparence va de pair avec l'intellectuel que les nazis veulent influencer,

un bon citoyen adoptera donc aussi bien l'idéologie nazie que le physique

parfait de l'homme et de la femme.

 

Mais les nazis ont aussi une conception de la femme dans la vie quotidienne :

celle-ci se doit d'être une épouse et une mère exemplaire, c'est pourquoi les

artistes de l'art officiel représenteront la plupart du temps la femme avec sa famille,

elle allaitera ou s'occupera de ses enfants; son rôle n'ira pas plus loin.

 

 

 

 

 

                                                             la famille aryenne, Wolfgang Willrich

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE CINEMA

 

Le cinéma, né à la fin du XIXe siècle reste un phénomène nouveau et très apprécié; il devient donc un moyen très utile pour la propagande nazie. Comme pour les autres arts, des cinéastes sont remarqués et sollicités pour participer à l’œuvre du nazisme. Ainsi Leni Riefenstahl y prend part, mais c’est elle qui demande à rencontrer Hitler: elle était donc partisan à part entière de son parti, ce qui lui sera plus tard reproché et explique le fait qu’elle sera rejetée par les autres cinéastes.

Parmi ses nombreuses propagandes, «le triomphe de la volonté» trouve un très grand succès :

 

 

 

 

 

Ce film, réalisé en 1935, bien que reconnu comme étant un chef d’œuvre

esthétique, est considéré comme le film hitlérien par excellence car

l’idéologie nazie est particulièrement valorisée et glorifie Hitler. Celui-ci

est d’ailleurs le centre du film: il apparaît dès les premières scènes comme

un héros avec une masse de gens qui accourent pour le voir.  Le film est

constitué de discours d’Hitler et ses sbires, de scènes de foule en délire,

et de défilés militaires.

Cette sculpture, appelée "la volonté" (en allemand : Bereitschaft), est typique de l'art héroïque. Elle représente un homme grand, blanc, avec un corps musclé. De plus cet homme sculpté porte une épée, ce qui montre qu'il est toujours prêt aux combats et elle rappelle aussi la Grèce ancienne, puisqu'Hitler considère les aryens comme des descendants des grecs. Ceci est donc l'idéal auquel tout homme doit aspirer, car il ne possède aucuns défauts.

 

Pour Otto Dix, l'art doit être utile de quelque façon

et surtout refléter une vision particulière.

Cette peinture est le reflet du courant artistique « la nouvelle

objectivité » . Elle n'a pas pour but de représenter fidèlement

l'apparence du modèle mais de souligner les traits les plus saillants,

ce qui est particulier à la personne. Ce courant ne s'attache

donc pas à l'esthétisme mais au fond, en l’occurrence dans

ce portrait l'artiste veut représenter une époque, la femme moderne

à laquelle on s'attache non pour ses qualités physiques mais

intellectuelles. Cette toile n'est pas dans la catégorie

traditionnelle du beau et en cela elle ne correspond pas à l'art officiel nazi.

Comme Otto Dix était très attaché à ce procédé de peinture,

il fut l'un des premiers artistes à être victime du nazisme.

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Discours final du Triomphe de la volonté.

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D'autres films sont emblématiques de l'intrusion du nazisme dans le cinéma, comme "le Juif Süss" de Veit Harlan. Mais certains dénonceront le nazisme, des cinéastes comme Fritz Lang, qui dira de son film "chasse à l'homme" sorti en 1941, être son premier film intentionnellement anti-nazi : en effet, Goebbels

interdira sa projection en Allemagne.

Le cinéma allemand durant cette période, ne présentera pas toujours  des scénarios très marqués idéologiquement, car le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, a compris que le public s'en désintéressait.

Effectivement le cinéma étant une distraction pour la population, il faut la contenter avec des films divertissants ou historiques ne contenant que de légères allusions à l'idéologie nazie. Mais le cinéma reste contrôlé par Goebbels, qui impose ses acteurs et surtout certains scénarios selon l'avancée de l'Allemagne pendant la guerre. Ainsi Kolberg, film réalisé par Veit Harlan et Wolfgang Liebeneiner, tend à redonner espoir alors que l'Allemagne est à quelques mois de sa défaite. Le cinéma allemand sous le IIIe Reich est donc utilisé pour la propagande sans pour autant envahir la population, cela afin de conserver un public.

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